La Sœur de l’ombre – Questions/Réponses

1. Comment la troisième sœur, Star, se compare-t-elle à son homologue mythologique ?
Dans la mythologie grecque, Astérope est la sœur dont on connaît le moins de choses. Les autres étoiles des Pléiades brillent plus fort qu’elle et, comme Star le découvre quand elle regarde par le télescope de Pa Salt, Astérope est en réalité formée par deux étoiles à faible lumière, qui se trouvent très proche l’une de l’autre. Cela forme la base de son caractère : une jeune femme qui est toujours dans l’ombre, renfermée, mais dont la personnalité possède une autre facette, qui n’a pas encore été découverte.

Dans la légende, elle est toujours accompagnée de sa sœur Célaéno, qui est plus forte, et plus bruyante qu’elle. Leur relation m’a vraiment fascinée parce que Star et CeCe, au milieu de leur famille de six sœurs, sont forcées de devenir co-dépendantes et développent leur propre rapport spécial.

Dans l’emmêlement des mythes, on dit qu’Astérope est devenue soit la femme, soit la mère d’Oenomaus, qui est plus tard devenu le roi de Pise. Les nombreuses contradictions de la mythologie grecque ont été difficiles pour moi à gérer, but j’ai décidé d’adopter pleinement ces deux histoires. Mon Oenomaus – Mouse – est renfrogné et complexe, mais il a bon cœur. Il a du mal à accepter son rôle de père de Rory, et de Lord de High Weald. Star endosse le rôle de partenaire romantique pour lui, ainsi que de mère de Rory… Leur destin est vraiment écrit dans les étoiles (ou, bon… par moi !). Le moment où elle découvre le vrai prénom de Mouse est sans doute mon moment préféré du livre.

2. Vous voyez probablement quelque chose de vous-même dans chacune des sœurs. De quelle façon êtes-vous semblable à Star ?
Sans aucun doute mon amour des livres – tous les romans mentionnés par Star dans La Sœur de l’ombre sont des livres que j’ai lus et adorés. Et je me sens aussi timide et peu sûre de moi dans les situations sociales importantes – et je redoute de devoir parler en public. Étant donné que c’est quelque chose que je dois faire souvent maintenant, comme Star, j’ai dû essayer de surmonter mes peurs, et je m’améliore, c’est sûr !

3. Star n’a pas vraiment de voix propre. Avez-vous trouvé que c’était un défi d’écrire ses dialogues ?
Oui, au début. Puisque je dicte le premier brouillon, d’habitude les dialogues viennent très facilement. Dans ce cas, j’ai mis du temps avant de trouver, de « ressentir » la voix de Star. Sa vie intérieure était très claire pour moi, mais ses interactions avec les autres étaient très difficiles à écrire, parce qu’elle est plutôt monosyllabique ! Cependant, au fur et à mesure que l’histoire avance, Star commence à sortir de sa coquille et à former des relations plus profondes avec les autres. C’était comme une seconde nature d’écrire de sa perspective. Son monologue interne est riche et vif, et sa capacité d’écoute est l’une de ses plus grandes forces. C’est ce qui a rendu les scènes entre elle et Rory si faciles à écrire : ils se comprennent sur un plan fondamental qui ne nécessite pas de paroles.

4. Dans ce livre, Orlando gère une librairie de livres rares. Vous avez évidemment un amour pour les livres rares – quels sont vos préférés et pourquoi ?
Écrire Orlando comme gérant d’une librairie de livres rares était une excuse pour vivre à travers lui par procuration ! Pour moi, les livres rares sont le luxe suprême. Comme Star, donnez-moi une librairie de livres rares sans hésiter, au lieu d’un sac de marque ou une paire des chaussures ! Chaque année, je me fais plaisir en achetant un ou plusieurs livres rares spéciaux. De plus, j’en achète pour mon fils aîné à chaque Noël et à chaque anniversaire. Mes préférés dans ma collection sont mes classiques de Penguin, et mes livres des sœurs Brontë, reliés en cuir, ou mes éditions spéciales de Dickens.

5. Des personnages dans La Sœur de l’ombre parlent ouvertement de la dépression, notamment Mouse. Croyez-vous qu’il soit important de parler de la santé mentale ?
Oui, sans aucun doute. Selon l’association caritative britannique pour la santé mentale Mind, presque 10% de la population du Royaume-Uni va être touché par l’anxiété ou la dépression pendant leur vie. En tant que société, on commence doucement à parler de la dépression sans peur d’être stigmatisé, en la traitant comme une maladie plutôt que comme quelque chose de honteux. Mouse a subi un traumatisme émotionnel extrême quand il a perdu sa femme, ce qui peut être un déclencheur de dépression. Finalement, avec le soutien de sa famille et la gentillesse de Star, il est capable d’avoir une relation avec elle, et avec son fils, et de passer à autre chose. Il n’est jamais trop tard pour demander de l’aide, et en parler est la première étape. C’est une des choses les plus courageuses que l’on peut faire.

6. Vos livres sont connus pour leurs cadres exotiques et étrangers ? Pourquoi avez-vous choisi l’Angleterre comme cadre de ce livre, et avez-vous trouvé l’écriture plus facile que d’habitude ?
L’Angleterre a des paysages si variés et fascinants ; je savourais l’occasion d’écrire sur eux. Parfois, quand vous êtes au sommet d’une colline dans le Lake District, surplombant les vallées et les rivières sauvages et intactes, il est difficile de croire que la belle ville animée de Londres est à l’intérieur des mêmes frontières. Il était à la fois facile et difficile pour moi d’écrire sur mon propre pays – facile parce que je pouvais travailler confortablement depuis ma maison, mais difficile parce que, quand vous connaissez un endroit si bien, il faut que vous apportiez un regard neuf afin de communiquer sa magie au lecteur. À mon avis, « exotique » ne signifie pas toujours des plages lointaines et des palmiers ; cela signifie ce qui est passionnant et inconnu – et il y a tellement de choses en Angleterre que je n’ai pas encore découvertes.

7. Dans le livre, vous présentez le beau paysage du Lake District et les jardins du Kent en Angleterre. Lequel des deux endroits vous a le plus inspiré lors de l’écriture ?
Sissinghurst Gardens, dans le Kent, est magique, conçu pendant les années 1930 par l’écrivaine Vita Sackville-West et son mari, l’auteur et diplomate Harold Nicholson. Ce jardin est romantique, fantaisiste et très typique de cette époque littéraire et artistique d’Angleterre. Conçu comme une série de « pièces », chacune raconte une histoire différente, et j’ai pensé que c’était le modèle parfait pour High Weald. Je crois que les maisons reflètent vraiment leurs propriétaires, et l’occasion de décrire High Weald à travers plusieurs générations a donné à l’amatrice de jardins que je suis une toile merveilleuse sur laquelle peindre.

Dans le Lake District, la vue du sommet de Scafell Pike est à couper le souffle. J’ai des souvenirs forts de mon père qui m’a emmenée là-haut, quand j’avais sept ou huit ans, et de m’être accrochée au flanc de la montagne pendant une bourrasque, exactement comme Flora et Archie.

8. Avez-vous une fascination particulière pour la monarchie britannique ?
La Grande-Bretagne a une histoire si riche, et une des plus longues monarchies régnantes de l’histoire moderne. Pendant les années 1900, l’Empire britannique a façonné le monde, et la famille royale définit encore le pays pour beaucoup de gens.

Ce qui m’intéressait était la relation changeante entre le public et la famille royale. Pendant l’époque du roi Edward VII, les médias nationaux n’auraient jamais osé publier des rumeurs salaces sur le roi – malgré le fait que Bertie avait plusieurs maîtresses, qu’il n’a jamais cherché à cacher. Une de ces maîtresses, Lady Susan Vane-Tempest, est supposée avoir donné naissance à son enfant illégitime en 1871. Alice Keppel était, avec Lillie Langtry, sa maîtresse la plus connue. Sa fille cadette, Sonia, deviendrait l’arrière-grand-mère de Camilla Parker-Bowles, la femme du Prince Charles. Étant donné tout ce que j’ai lu sur la vie et les motivations d’Alice, je suis certaine qu’elle aurait été ravie que sa descendante directe soit désormais mariée au prince de Galles.

9. Alice Keppel était évidemment une femme remarquable. Suite à vos recherches, la voyez-vous comme une femme fondamentalement positive et bien intentionnée, ou malavisée et manipulatrice ?
Je ne pense pas qu’elle soit si simple. Elle était une femme de son époque, qui a utilisé ses talents et son charisme pour améliorer son statut et celui de sa famille. Le chemin qu’elle a parcouru est admirable : une fille d’Écosse, mariée à un homme du Norfolk, qui s’est élevée au rang officieux de reine. Elle était une personne sociable, heureuse et lumineuse, agréable à côtoyer mais, bien sûr, elle n’était pas sans défauts. Elle conversait souvent avec des rois et des kaisers au dîner, elle était active politiquement et elle dirigeait un des salons les plus convoités de Londres. Ce type d’influence ne vient pas sans une technique de manipulation.

Je crois qu’elle aimait réellement le roi à sa façon, mais je crois aussi que le chagrin qu’elle a ressenti à sa mort était aussi un chagrin pour ses propres circonstances qui allaient changer. C’est un personnage vraiment complexe qui a façonné l’histoire britannique dans les coulisses, et c’était un défi de dépeindre sa déchéance à la veille de la mort du roi. Les événements et la réaction de Mrs Keppel sont tirés directement de témoignages de première main de la nuit de la mort du roi et du lendemain.

10. Pourquoi pensez-vous que la relation entre Violet Trefusis et Vita Sackville-West est si célèbre depuis plus de 90 ans ?
Violet et Vita, ainsi que d’autres membres du groupe littéraire de Bloomsbury, étaient les précurseurs de la rupture des frontières entre les genres. Elles étaient bohèmes, créatives et, oui, privilégiées aussi : nées dans des familles riches, elles avaient la liberté de briser les normes sociétales. Leur refus de se soumettre à ces règles est ce qui rend leurs caractères si intéressants. Vita a inspiré l’une des plus grandes écrivaines du modernisme britannique, Virginia Woolf, dans son écriture d’Orlando, qui a immortalisé Vita et la liberté qu’elle défendait. Malgré les obstacles, Violet et Vita ont continué à fuir ensemble, au point que leurs maris, Harold et Dennis, ont dû voyager en France en 1920, pour essayer de convaincre leurs épouses de rentrer à la maison. Leur amour était intense, dévorant, tristement célèbre.

11. Un autre de vos personnages du « monde réel » dans La Sœur de l’ombre est l’autrice et illustratrice pour enfants Beatrix Potter. Pourquoi pensez-vous que la popularité de son travail a été si durable ? Avez-vos lu ses contes à vos enfants ?
J’admire tellement la dévotion de Beatrix à la nature et à l’Angleterre, et le fait qu’elle ait laissé un héritage durable de paysage et de faune pour qu’il soit apprécié par les générations futures, sous la forme du National Trust. Ses histoires d’animaux sont innocentes et imaginatives, et elles racontent une Angleterre bucolique dont nous rêvons tous aujourd’hui, il me semble. J’ai lu ses livres moi-même, et je les ai lus à mes enfants. D’ailleurs, le surnom de Tiggy, la cinquième sœur, vient de The Tale of Mrs Tiggy-Winkle de Beatrix. Tous ses autres personnages, notamment Peter Rabbit, sont devenus des éléments essentiels de l’enfance britannique et des figures emblématiques dans le monde entier.

Beatrix était une femme de nombreux talents à une époque où cela était encore très rare – elle était écrivaine, illustratrice, femme d’affaires astucieuse, fermière, militante, botaniste, femme, amie et défenseuse de l’environnement. Elle a vécu pleinement sa vie et c’était une joie d’écrire sur elle.

12. Dans les deux premiers livres de la série, vous vous concentrez principalement sur une seule sœur, tandis que dans cet histoire, CeCe joue un rôle important. Est-ce simplement en raison de leur relation particulièrement étroite, ou avez-vous l’intention d’impliquer plus de sœurs dans chaque livre à partir de maintenant ?
Dans Les Sept Sœurs, La Sœur de la tempête, et au début de La Sœur de l’ombre, CeCe et Star forment une « paire ». L’histoire de Star concerne sa rupture de la protection de sa sœur. Comment CeCe ressent cela ne sera pas révélé avant sa propre histoire, La Sœur à la perle. Ce qui m’intéresse le plus est la façon dont les lecteurs la percevront différemment un fois qu’ils auront une meilleure compréhension de ses pensées et de ses émotions. Dans La Sœur de l’ombre, nous voyons deux sœurs qui dépassent leur lien mutuel et apprennent à devenir indépendantes. Et comme pour toutes les relations familiales, ce n’est pas toujours facile.

13. Pouvez-vous nous dire sur quoi vous travaillez ensuite, et où le voyage de CeCe emmènera le lecteur ?
L’histoire de CeCe, La Sœur à la perle, nous conduira dans l’histoire turbulente de l’Australie, ainsi que vers l’Asie du Sud-Est. CeCe est une nomade ; toujours agitée, toujours curieuse. Au début, être séparée de Star lui brise le cœur, mais cela lui donnera la chance de découvrir vraiment son identité, et quel art elle est capable de créer. Elle pourrait même ouvrir son cœur à quelqu’un de nouveau…

14. Et finalement, avez-vous un personnage préféré dans La Sœur de l’ombre ?
Sans aucun doute les deux frères, Orlando et Mouse. Je veux Orlando comme frère et Mouse comme amant…!